Raisonner la raison d’État

Raisonner la raison d’État

Rubrique : Direction d’ouvrages collectifs

Sous-titre : Vers une Europe des droits de l’homme

Direction : Mireille Delmas-Marty

Éditions : PUF

Collection : Les voies du droit

Cartographie : VI – Théorie du droit, III – Espace européen ; Europe pénale

Date de parution : Septembre 1982

La quatrième de couverture indique :

Nombreux sont ceux qui ont rêvé l’État démocratique… Il y a loin, souvent, du rêve à la réalité, et la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas, d’un coup de baguette magique, sauvé la démocratie en construisant l’Europe des droits de l’homme. A première lecture, on pourrait même penser qu’elle fait la part trop belle à la raison d’État, tant elle multiplie les clauses  » échappatoires  » (c’est-à-dire autorisant dérogations, exceptions et restrictions) qui peuvent servir de refuge à celle-ci. Mais ni l’ambiguïté du système européen (étudié à partir de thèmes comme la lutte contre le terrorisme, la police des étrangers, les affaires de presse et les affaires de mœurs), ni la résistance des États (étudiée à partir d’une douzaine de pays du Conseil de l’Europe) ne doivent cacher la dynamique de la relation Europe-États qui se met en place à partir de la jurisprudence fortement motivée des instances de Strasbourg. Favorisant un pluralisme ordonné, qui n’est ni uniformisation, ni éclatement, mais plutôt harmonisation, cette jurisprudence élabore l’instrument juridique d’une Europe des droits de l’homme qui consacrerait une conception plus raisonnée de la très légitime et très déraisonnable raison d’État.

Emmanuel Decaux écrit au sujet de l’ouvrage :

Sous un titre et un sous-titre quelque peu trompeurs, cet ouvrage collectif est en fait un très utile recueil de contributions centrées sur quelques aspects techniques de la Convention européenne des droits de l’homme. Le point de départ des auteurs est en effet une réflexion sur la « politique criminelle » en droit comparé, à partir du système de limitations et de dérogations prévu par la Convention. Il y a certes une part d’amalgame à mêler ainsi des « clauses échappatoires et des faits justificatifs », sous le label de la raison d’État qui reste résiduelle parmi les « ingérences » légitimes dans une société démocratique. Mais, ce postulat admis, la démarche des auteurs est particulièrement fructueuse.

Dans un premier temps, sous le titre générique « Ambiguïté du système européen », quatre thèmes sont privilégiés : la lutte contre le terrorisme (Gérard Soulier), la police des étrangers (Florence Massias), les affaires de presse (Francis Teitgen) et celles de mœurs (Renée Koering-Joulin). Une deuxième partie comparative regroupe une dizaine d’études nationales, nécessairement plus hétéroclites et non sans chevauchements avec la première partie. On se bornera ici à souligner l’intérêt de la contribution des deux vice-présidents de la Commission européenne des droits de l’homme, le professeur Frowein sur la RFA et le professeur Trechsel sur la Suisse.

La troisième partie est une ambitieuse tentative de synthèse, articulée autour de deux importants chapitres. Le premier, dû à François Ost, porte sur « L’originalité des méthodes d’interprétation de la Cour européenne des droits de l’homme ». Il souligne l’importance d’une interprétation téléologique, spécifique au système de la Convention par opposition aux règles classiques d’interprétation littérale codifiées par le droit des traités, répondant ainsi aux inquiétudes relatives à un risque de « légitimation » de la raison d’État dans la Convention. Le deuxième chapitre, en guise de conclusion, revenait à Mireille Delmas-Marty, le maître d’œuvre du livre, à travers une réflexion stimulante sur « La fécondité des logiques juridiques sous-jacentes ».

Au carrefour des disciplines juridiques et des différents systèmes européens, même si le droit communautaire est quelque peu éclipsé en la matière par la cohérence de la Convention européenne des droits de l’homme, cet ensemble d’études venant d’horizons nationaux eux aussi très divers, marque l’efficacité d’une méthode combinant le positivisme de la jurisprudence et le volontarisme de la prospective.1

  1. Decaux, Emmanuel. « Mireille Delmas-Marty. Raisonner la raison d’État : vers une Europe des droits de l’Homme ». Politique étrangère, N° 55-1 (1990) : 193, source.

Pour citer ce texte : Portanguen, Antoine. « Raisonner la raison d’État », La Boussole des possibles, 2025. https://laboussoledespossibles.fr/?p=7108.

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