Biographie de Mireille Delmas-Marty
Texte biographique par Antoine Portanguen Pour citer ce texte
Cette biographie assume le double parti-pris d'une approche à la fois collective et intuitive cherchant à révéler au lecteur la richesse des multiples facettes tant de la pensée que de la personnalité de Mireille Delmas-Marty.
Approche collective d'abord – à l'image de sa pensée en réseaux – car ce texte donne la parole à plusieurs des membres1 de sa « famille aux quatre coins du Monde » comme elle aimait appeler les personnes avec qui elle avait noué des liens si particuliers au cours de ses recherches : universitaires de toutes disciplines, sachants, praticiens, artistes…
Mais également approche intuitive, car ce texte emprunte au vocabulaire et aux métaphores utilisés par Mireille Delmas-Marty, permettant au lecteur d'entrer directement dans la pensée, mais aussi dans la poétique de son œuvre, et l'invitant par la même occasion à approfondir ses recherches au gré de sa sensibilité.
- 10 mai 1941 : Naissance de Mireille Delmas-Marty.
- 1970 : Après l’obtention de son doctorat en droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas, elle obtient l’agrégation en droit privé et sciences criminelles et débute sa carrière de professeure de droit à l’Université de Lille II.
- 1990 : Elle devient professeure de droit à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne où elle fondera et dirigera l’UMR et l’École doctorale de droit comparé.
- 1996 : Missionnée par l’Union Européenne, elle coordonne le groupe d’experts à l’origine du rapport Corpus Juris visant à protéger les intérêts financiers de l’Union et anticipe la création du parquet européen vingt ans avant sa création.
- 2002 : Elle rejoint le Collège de France et dirige la chaire « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit » dont les enseignements sont publiés dans l’une de ses œuvres majeures, Les forces imaginantes du droit.
- 2007 : Elle est élue à l’Académie des Sciences morales et politiques de l’Institut de France.
- 2017 : Après la parution de son livre Aux quatre vents du monde, elle lance une collaboration inédite avec l’artiste Antonio Benincà afin de réaliser la Boussole des possibles, « objet-manifeste » qui matérialise sa pensée, incarnant les vents de la mondialisation et la proposition d’une gouvernance mondiale en faveur d’une mondialité apaisée.
- 12 février 2022 : Mireille Delmas-Marty décède à l’âge de 80 ans, après avoir créé Second Souffle, un fonds de dotation chargé de diffuser son œuvre et réaliser la Boussole des possibles.
Figure intellectuelle majeure de notre époque, Mireille Delmas-Marty (1941-2022) est une juriste et universitaire française, professeure au Collège de France de 2002 à 2011 et membre de l’Académie des Sciences morales et politiques de l’Institut de France à partir de 2007. Son travail concerne des thèmes variés tels que le droit pénal, le droit européen et international, les droits de l’homme ou encore la mondialisation. La question fondamentale qui chemine dans l’ensemble de son œuvre est : « Que peut le droit ? »2 face aux transformations de nos sociétés provoquées par l’internationalisation du droit et la mondialisation (criminalité internationale, violations des droits de l’homme, changement climatique, nouvelles technologies…).
Inspirée par les métaphores (nuages, boussole et vents), l’art et la poésie, qui lui permettait d’imaginer le droit qui n’existe pas encore, Mireille Delmas-Marty n’a eu de cesse de développer une pensée juridique dynamique (un droit en mouvement) ancré dans les réalités du monde contemporain, consciente des désordres et des risques encourus par l’humanité, mais également des nouvelles opportunités qui se présentent à elle. Sa pensée consciente et espérante est une véritable boussole au service de l’humanité qui propose d’actionner les forces imaginantes du droit pour imaginer des futurs souhaitables.
Geneviève Giudicelli-Delage, Professeure émérite de droit pénal et fidèle amie de Mireille, rend compte de la personnalité rigoureuse et intrépide de Mireille Delmas-Marty :
Emanuela Fronza, Professeure de droit pénal, étudiante et amie de Mireille Delmas-Marty lui rend hommage :
Animée par la conviction que le droit ne peut qu'être placé au service de l'humanité, elle a très tôt mis en œuvre cette vision afin de réagir aux changements de la société et forger de nouveaux outils – le ministère public européen –, et cadres de pensée – comme une souveraineté solidaire. Utopiste mais aussi réaliste, son esprit pionnier l'amenait à explorer avec passion des notions émergentes comme le crime d'écocide. Son chemin aura été marqué par sa capacité, presque prophétique, à décrypter les dynamiques profondes que nous devons affronter aujourd'hui […].4
Mireille Delmas-Marty naît le 10 mai 1941 dans le 17ème arrondissement de Paris. Elle est issue d’une famille protestante dont sa mère, Denise Amphoux (1899-1984), est descendante de la famille Monod et son père, Georges Marty (1889-1966), est avocat.
Sa date de naissance est particulièrement symbolique comme le relève Geneviève Giudicelli-Delage :
Résister à l'esprit de système, c'est-à-dire refuser « les apparences fortement implantées en nous par l'appareil conceptuel du droit ». Dès lors, portant tout au contraire son attention sur le « réel dans sa complexité, sa diversité et son ordre propre », elle a pu voir ce que les autres ne voyaient pas ou ne verraient que beaucoup plus tard qu'elle. Sa prodigieuse capacité d'anticipation venait de sa liberté de penser et de son regard aigu sur une discipline, le droit, qu'elle estimait être restée « trop longtemps fermée sur elle-même » et qu'elle souhaitait voir s'ouvrir.5
Le chemin de Mireille Delmas-Marty vers le droit n’a rien d’une évidence. Bien au contraire, elle commence ses études par la biologie puis la médecine avant de se tourner vers le droit et l’apprentissage du chinois. On remarque dès cette époque sa curiosité pour ce pays qui la fascine, intérêt qu’elle développera plus tard dans la construction de sa pensée juridique. À contrario, son rapport au droit se limite d’abord à des raisons pratiques et un intérêt initial très relatif.
Ce n’est qu’à partir de sa thèse de doctorat, portant sur Les sociétés de construction devant la loi pénale, que Mireille Delmas-Marty se passionne pour le droit. Ou plutôt, pour le droit qui « n’existe pas, ou pas encore ».
Luis Arroyo Zapatero, Professeur de droit pénal international et ami de Mireille, prolonge cette idée en expliquant que Mireille Delmas-Marty trouvait un intérêt dans le droit quand ce dernier se transformait en outil pour réinventer un nouveau paradigme, suivant ou anticipant les évolutions mêmes de la société. On peut sûrement déjà y voir les prémices des futures « forces imaginantes du droit ».
Ainsi, Mireille Delmas-Marty, après avoir été assistante à la Faculté de droit de Paris entre 1967 et 1970, soutient sa thèse à l’Université Paris II Panthéon-Assas en 1969 qui est publiée en 1972.
Mireille Delmas-Marty produit tout au long de sa vie une « œuvre foisonnante […] [qui] compte quelque trois cents ouvrages et articles »9 qu’elle ordonne elle-même en préparation de ses Mélanges à travers une Cartographie composée de huit régions. Loin d’être exhaustifs, les paragraphes suivants, s’inspirant de sa Cartographie, proposent de cheminer au travers de l’œuvre de Mireille Delmas-Marty.
Repenser le droit pénal, la procédure pénale et la politique criminelle
Après sa thèse de doctorat, Mireille Delmas-Marty poursuit son parcours intellectuel dans le champ du droit pénal et de la politique criminelle avec plusieurs ouvrages majeurs. Pour ne citer que quelque uns d’entre eux : Droit pénal des affaires, Les chemins de la répression, Modèles et mouvements de politique criminelle, le rapport de la Commission Justice pénale et droits de l'homme (dont MDM fut présidente) intitulé La mise en état des affaires pénales, Les grands systèmes de politique criminelle ou encore Libertés et sûreté dans un monde dangereux venant clôturer ce cycle réflexif ouvert il y a plus de trente ans.
Imaginer un droit pénal européen
Mireille Delmas-Marty s’intéressait également à l’espace européen qu’elle percevait comme « un laboratoire du pluralisme juridique »10 et s’interroge sur « la recomposition constatée du champ pénal, ouvrant la réflexion sur l'émergence – "possible, raisonnable, souhaitable ?" – d'un droit pénal commun, régional (européen) et mondial »11.
Geneviève Giudicelli-Delage prolonge cette idée :
Elle dirigea le rapport Corpus Juris portant dispositions pénales pour la protection des intérêts financiers de l'Union européenne (1997) qui imaginait déjà – entre autres mesures - le rôle d’un procureur européen (qui deviendra réalité et dont les travaux débuteront officiellement en 2020). Elle publie et dirige encore de nombreux ouvrages, parmi lesquels Quelle politique pénale pour l'Europe ? (1993), L'harmonisation des sanctions pénales en Europe (2003) ou encore Les chemins de l'harmonisation pénale (2008).
Imaginer un droit pénal international
Toute l’œuvre de Mireille Delmas-Marty poursuit un même objectif, celui d’imaginer un droit commun qui n’existe pas encore, comme l’explique Geneviève Giudicelli-Delage :
Si ce n'est que son champ de vision et de réflexion s'est élargi. Ce ne sont pas seulement des signes d'émergence et des fragments d'un droit pénal commun qu'elle tente de révéler, interpréter, ordonner ; ce sont les signes d'émergence et les fragments d'un droit mondial qui pourraient mener vers un droit commun pour le moins universalisable.13
Elle publie également de nombreux ouvrages de droit pénal international, dont deux aux côtés d’Antonio Cassese en 2002 Juridictions nationales et crimes internationaux et Crimes internationaux et juridictions internationales ou encore Le crime contre l'humanité (2009) et Terrorismes. Histoire et Droit (2010).
S’intéressant à différents contextes culturels comme ceux des pays d’Islam ou la Chine, Mireille Delmas-Marty adopte une méthode lui permettant d’appréhender ce pluralisme juridique à travers une approche comparatiste que l’on retrouve dans des ouvrages tels que Vers des principes directeurs internationaux de droit pénal – Criminalité économique et atteintes à la dignité de la personne (publié en 7 volumes de 1995 à 2001), Le clonage humain. Droits et sociétés. Étude franco-chinoise (publié en 3 volumes de 2002 à 2005), La Chine et la démocratie (2007) ou encore Regards croisés sur l'internationalisation du droit : France – États-Unis (2009).
Son lien particulier avec la Chine qui remonte au début de ses études supérieures avec l'apprentissage du mandarin, occupe une place majeure dans son œuvre. Ses étudiants et amis chinois soulignent entre autres son rôle précurseur dans la direction des premiers doctorants juristes chinois en France et la considèrent même comme « chinoise, au sens qu'Étiemble donnait à l'Europe chinoise »14.
Lu Jianping, ancien doctorant de Mireille Delmas-Marty devenu professeur de droit, juge et vice-président de Chambre criminelle de la Cour suprême de Chine populaire, explique ainsi :
Tout comme l’espace européen, elle observe ainsi un « laboratoire chinois » qui la fascine :
Au-delà de la culture chinoise, Mireille Delmas-Marty s’intéresse dans ses travaux aux dynamiques du droit en formation dans les autres régions du Monde adoptant l’universalisme comme « position épistémologique », comme l’écrit Luis Arroyo Zapatero :
Elle imagine ainsi des projets et des collaborations pérennes dans le monde entier, notamment à travers les réseaux « ID » comme le rappelle Kathia Martin-Chenut, directrice de recherche au CNRS, ancienne doctorante et assistante au Collège de France, qui a cheminé avec Mireille Delmas-Marty pendant une vingtaine d’années :
Ordonner le multiple sans le réduire. Vers un Jus commune universalisable ?
Mireille Delmas-Marty consacre une partie cruciale de son œuvre à des travaux sur la théorie du droit avec pour objectif d’ordonner le pluralisme juridique afin d’imaginer un droit universalisable, c’est-à-dire un droit mondial à la fois commun et pluriel.
On peut notamment citer Le flou du droit (1986), Raisonner la raison d'État (1989), Pour un droit commun (1994), Vers un droit commun de l'humanité (1996), Trois défis pour un droit mondial (1998), Variations autour d'un droit commun (2002) ou encore l’œuvre majeure Les forces imaginantes du droit publiée en quatre volumes : Le relatif et l'universel (2004), Le pluralisme ordonné (2006), La refondation des pouvoirs (2007) et Vers une communauté de valeur ? (2011). Enfin, en 2021, elle dirige, aux côtés de Kathia Martin-Chenut et Camila Perruso, l’ouvrage collectif Sur les chemins d'un Jus commune universalisable.
Camila Perruso, chercheuse en droit international et maîtresse de conférences, explique ainsi :
Pour imaginer ce Jus commune universalisable, Mireille Delmas-Marty s’intéresse de près à la question de l’organisation des acteurs globaux qu’elle imagine autour de la « trilogie savoir / vouloir / pouvoir », comme en témoigne la conclusion de La refondation des pouvoirs :
Mais la réalité est beaucoup plus désordonnée et les interactions se développent en tous sens d’un pôle à l’autre : « trilogie » donc, plutôt que « triangle », pour marquer cette combinaison de logiques différentes qui déterminent des formes instables et volatiles ayant en commun d’inclure tous les acteurs, institutionnels et non institutionnels.20
Sur la question des savoirs, Mireille Delmas-Marty, aux côtés de Paul Bouchet21, est profondément marquée par son expérience auprès du mouvement international ATD Quart Monde qui développe une démarche appelée « Le croisement des savoirs ». Cette dernière vise à faire émerger les savoirs des personnes en situation de précarité en les confrontant aux savoirs universitaires et professionnels. Mireille Delmas-Marty tire de cette expérience des réflexions sur le rôle fondamental joué par les « savoirs vécus » (celui des sachants), complémentaires « des savoirs scientifiques » (ceux des savants) dans l’objectif d’établir un équilibre démocratique entre savoirs, vouloirs et pouvoirs.22
Vers une mondialité apaisée : à la recherche d’une Boussole des possibles
Ses recherches menées sur l’émergence d’un droit commun l’amènent à développer de nouveaux outils nécessaires pour nous orienter sur l’océan de la mondialisation. Plusieurs de ses derniers travaux tentent ainsi d’imaginer une boussole qui sortirait l’humanité de la mondialisation actuelle caractérisée par ses vagues violentes (violations des droits de l’homme, changement climatique, terrorisme international, transhumanisme, etc.) pour laisser place à une mondialité apaisée, empruntant les mots du poète Édouard Glissant.
Elle publie de nombreux ouvrages parmi lesquels Résister, responsabiliser, anticiper (2013), Au pays des nuages ordonnés (conclusion de Pour un droit commun), Aux quatre vents du monde (2016), Sortir du pot au noir (2019), et enfin Une boussole des possibles (2020) qui reprend et actualise sa leçon de clôture au Collège de France.
Dans ce dernier ouvrage, Mireille Delmas-Marty écrit au sujet de la notion de « mondialité » :
Institutions académiques françaises
- Académie des Sciences morales et politiques de l’Institut de France : Mireille Delmas-Marty est élue en 2007 au fauteuil n° 1 de la section « morale et sociologie », laissé vacant par le décès de Jean Cazeneuve.
- Collège de France : Mireille Delmas-Marty a été titulaire de la chaire « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit » de 2002 à 2011. Elle est à l’origine de la création de plusieurs réseaux de recherche sur l’internationalisation du droit (« réseaux ID » franco-américain, franco-brésilien, franco-chinois).
- Institut Universitaire de France : Mireille Delmas-Marty est membre senior des promotions 1992 et 1997 (Chaire « Politique criminelle comparée et droits de l’homme »).
- Association de recherches pénales européennes (ARPE) : Mireille Delmas-Marty a été l’un des membres fondateurs et la présidente de cette association entre 1991 et 2005.
- Université de Paris I Panthéon-Sorbonne : Mireille Delmas-Marty a été Professeure de droit de 1990 à 2002. Elle a enseigné des cours de droit pénal, droit pénal comparé et droit pénal international.
- Association internationale de droit pénal : Mireille Delmas-Marty a été élue membre du Conseil de direction en 1984. Elle a également été membre du Comité scientifique et membre du Comité de patronage de la Revue de droit pénal international. Entre 1984 et 1989 (année du XIVème Congrès de l’AIDP à Vienne), elle a été rapporteur général pour la section I sur « Les problèmes juridiques et pratiques posés par la différence entre le droit criminel et le droit administratif pénal ». Grâce à son engagement, elle a été élue vice-présidente de l'AIDP en 1989 pour devenir ensuite vice-président honoraire en 2009.
- École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) : Mireille Delmas-Marty a organisé un séminaire de politique criminelle de 1983 à 1987.
- Université de Lille II : Mireille Delmas-Marty a débuté sa carrière de professeure de droit de 1970 à 1977. Mireille Delmas-Marty obtient l’agrégation en droit privé et sciences criminelles en 1970.
- Université Paris II Panthéon-Assas : Mireille Delmas-Marty a soutenu sa thèse de doctorat en droit portant sur Les sociétés de construction devant la loi pénale en 1969.
- Faculté de droit de Paris : Mireille Delmas-Marty est assistante de 1967 à 1970.
- Bibliothèque nationale de France, de 2003 à 2006.
- École normale supérieure (Ulm), de 2001 à 2004.
Institutions académiques internationales
Mireille Delmas-Marty collabore avec de nombreuses universités internationales :- Université de Genève, Suisse, en 2013.
- Université du Québec à Montréal (UQAM), Canada, en 2006.
- Université de Tokyo, Japon, en 2005.
- Université de Naples, Italie, en 2004.
- Université de Bâle, Suisse, en 2003.
- Institut universitaire européen (EUI), Florence, Italie entre 2001 et 2002.
- Université du peuple de Pékin, Chine, en 1999.
- Collège international de philosophie, Paris, en 1998.
- Université de Cambridge, Angleterre, en 1998.
- Académie de droit européen de l’Institut universitaire européen (EUI), Florence, Italie, en 1997.
- Université libre de Bruxelles, Belgique, en 1997, en 2008 et 2009.
- Université de Montréal, Canada, en 1983.
- Université de Maracaibo, Venezuela, en 1980.
- Université de São Paulo, Brésil, en 1978 et 2007.
- Université de Bangui, République centrafricaine, en 1977.
- Institut universitaire européen, à partir de 2003.
- Institut international des droits de l’homme, de 2001 à 2004.
- Collège international de philosophie, de 2000 à 2003.
- Association internationale de droit économique, depuis 1997.
Responsabilités éditoriales
- Membre du Global Council du California International Law Center depuis 2009.
- Membre du conseil scientifique du LSN International, Transnational & Comparative Criminal Law Abstracts depuis 2007.
- Membre du conseil de direction du Journal of International Criminal Justice depuis 2003.
- Membre du comité de rédaction de la Revue internationale de droit économique et du European Journal of crime, Criminal Law and Criminal Justice depuis 2000.
- Membre du conseil scientifique de la Revue trimestrielle des droits de l’homme (Bruylant) depuis 1999.
- Fondatrice et co-directrice de la collection Les voies du droit, PUF de 1986 à 2005.
- Membre du comité de rédaction des Archives de politique criminelle (A. Pedone) à partir de 1984.
- Rédactrice en chef puis directrice de la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé (Dalloz) à partir de 1984.
Activités expertales
Au niveau français
Autorité indépendante :
- Membre du Comité consultatif national d’éthique : de 2003 à 2008.
Présidence de la République :
- Membre du Haut Conseil de la science et de la technologie à partir de 2006.
- Membre du groupe de travail « Débat sur l’avenir de l’Europe » en 2001.
- Membre du comité consultatif pour la révision de la Constitution (Comité Vedel) de 1992 à 1993.
Ministère de la Justice :
- Présidente de la Commission Arpaillange « Justice pénale et droits de l'homme » chargée de proposer une réforme de la procédure pénale entre 1988 et 1990.
- Membre de la Commission Badinter sur la réforme du Code pénal de 1981 à 1986.
Ministère de la recherche :
- Membre du conseil scientifique de l’Institut des hautes études de sciences et technologies, à partir de 2011.
- Membre du Conseil national de coordination des sciences de l’homme et de la société en 2001.
- Membre senior de l’Institut universitaire de France. Elle fut également membre du jury de sélection des membres IUF en 1994 (jury junior), 1995 (jury junior), 2002 (jury senior) et en 2003 (jury senior).
- Membre du comité scientifique auprès du ministre de 1990 à 1993.
Ministère des affaires étrangères :
- Membre du comité de réflexion sur la création d'une juridiction pénale internationale, entre 1992 et 1993.
Associations :
- Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions : Mireille Delmas-Marty y présida l’Observatoire de 2012 à 2015 puis en fut la présidente d’honneur. Il s’agit d’une association de réflexion et d’action réunissant journalistes, universitaires, leaders religieux, chercheurs, diplomates, et représentant(e)s de différents courants de pensée.
- Association philotechnique : Mireille Delmas-Marty a présidé l’association de 2011 à 2017.
Au niveau européen
Union européenne :
- Membre du comité de pilotage (steering committee) du programme de formation juridique Europe /Chine de 2000 à 2005.
- Présidente (de 1999 à 2001) puis membre (de 2001 à 2005) du comité de surveillance de l’Office de lutte antifraude (OLAF).
- Coordinatrice du comité d'experts de l'Union européenne chargé par la Commission et par le Parlement européens de la rédaction d'un projet pénal pour la protection des intérêts financiers de l’Europe, dit Corpus Juris, entre 1996 et 1999. Ce comité proposa notamment la création d’un parquet européen, qui sera finalement créé en 2017.
Conseil de l’Europe :
- Mireille Delmas-Marty a réalisé de nombreuses expertises, notamment sur le projet de recommandation sur la Charte du Conseil de l’Europe sur les responsabilités sociales partagées en 2011.
Au niveau international
Cour pénale internationale :
- Mireille Delmas-Marty est conseillère spéciale auprès du Procureur à partir de 2011.
Organisation des Nations Unies (ONU) :
- UNESCO : Mireille Delmas-Marty est membre du Conseil d’administration de la Commission française pour l’UNESCO de 2014 à 2017, ainsi que membre du jury du prix Education pour la paix en 2004, 2006 et 2008.
- Haut-Commissariat aux droits de l’homme : Mireille Delmas-Marty réalise une analyse du nouveau code de procédure pénale du Cambodge de 2008 à 2009.
Association :
- Groupe de Fribourg : Mireille Delmas-Marty est membre de ce groupe de travail composé d’experts internationaux à l’origine de la Déclaration de Fribourg de 2007 dont elle est co-rédactrice.
Distinctions
- Membre de la Société américaine de philosophie en 2021.
- Grand Officier de la Légion d’honneur en 2016.
- Grand Officier de l’Ordre National du Mérite en 2013.
- Membre de l’American Law Institute, « Prominent Woman in International Law Award » (American Society of International Law), en 2012.
- Prix International Silvia Sandano, Rome, Italie, en 2012.
- Prix Jeschek de l’Association internationale de droit pénal, Istanbul, Turquie, en 2008.
- Membre de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2007.
- Prix Beccaria de la Société internationale de défense sociale, Mexico, Mexique, en 2007.
- Commandeur dans l’Ordre national du mérite en 2003.
- Officier de la légion d’honneur en 1999.
- Honorary fellow of the Society for Advanced Legal Studies en 1998.
- Membre de l’Académie universelle des cultures en 1999.
- Membre associé de l’Académie royale de Belgique en 1990.
- Chevalier de l’Ordre des Palmes académiques en 1989.
- Université de Mexico, Mexique, en 2012.
- Université de Ferrare, Italie, en 2004.
- Université de Montréal, Canada, en 2003.
- Université de Louvain, Belgique, en 2003.
- Université de Pékin, Chine, en 1996.
- Université d’Uppsala, Suède, en 1995.
- Université d'Urbino, Italie, en 1994.
- Université de Liège, Belgique, en 1992.

Mireille Delmas-Marty nourrit une grande sensibilité pour l’art qui s’exprime déjà dans sa jeunesse par la réalisation de bas-reliefs dans lesquels elle combine béton et verre. Cette sensibilité l’accompagne durant l’ensemble de son œuvre, lui permettant tant de nourrir sa pensée que de l’illustrer. Ainsi choisit-elle ainsi le tableau La voie de la sagesse de la peintre Vieira da Silva pour la couverture de son ouvrage Le relatif et l'universel (2004), sur lequel figure une « issue lumineuse » qu’elle explique ainsi :
[…] Vieira da Silva disait qu'elle peignait ce qui n'existait pas comme si (cela) existait, et pendant longtemps j'ai cherché le droit de demain, un droit qui n'existe pas encore mais qui préserverait l'issue lumineuse.25
Comme l’explique Geneviève Giudicelli-Delage, l’art, au-delà d’une source d’inspiration, permet également à Mireille Delmas-Marty d’imaginer de nouveaux moyens d’exprimer sa pensée juridique en dépassant les limites que lui imposent les mots :
Ce pari, elle le fondait rationnellement sur la réalité d'un monde, dont « les maîtres mots sont devenus l'interdépendance et la communauté de destin ». Mais, pour le gagner, elle savait bien que la rationalité ne serait pas suffisante. Que ce monde habitable et apaisé, il faudrait commencer par le « rêver » pour lui donner quelque chance d'exister, c'est-à-dire qu'il y faudrait une part de « magie », « un élan vital », « l'émerveillement » devant la vie, une « insurrection de l'imaginaire ». C'est ailleurs que dans le droit que Mireille Delmas-Marty cherchait cette insurrection, dans la poésie, la peinture, la musique, l'art en général ; mais pour mieux y revenir et pour tenter de répondre à cette question fondamentale qui est celle de toute son œuvre : « Que peut le droit ? ».26
Ainsi, Mireille Delmas-Marty rencontre l’artiste Antonio Benincà. Se créé alors un dialogue tout à fait inédit entre la « Jurispoète » et « l’Intellectruel », d’après les surnoms affectifs trouvés par ce dernier. À travers cette rencontre, le cheminement artistique de Mireille Delmas-Marty trouve une nouvelle ampleur. Le projet vise initialement à matérialiser sa pensée, en imaginant une Boussole des possibles, opère un mouvement inattendu où la matière, en retour, donne à penser à la juriste. La Boussole, devenue « objet-manifeste », révèle alors des symboles qui permettent d’imaginer une nouvelle gouvernance de la mondialisation : la rose des vents, devenue ronde des vents par sa projection dans les airs est animée par les forces contraires de la mondialisation ; le petit souffle cher au poète Édouard Glissant trouve sa place, érigé en haut de la spirale des humanismes ; cette dernière transmet – par une articulation – son mouvement au fil à plomb, symbole du droit et de la gouvernance mondiale. Tout devient ainsi équilibre dynamique – ou droit en mouvement – à l’image de la pensée de Mireille Delmas-Marty.
Ainsi, la Boussole des possibles n’est-elle pas seulement une synthèse de la pensée de son inventrice, mais plutôt son sa manifestation. Elle n’entend pourtant pas être un énième récit programme pour l’humanité, mais ses auteurs l’ont conçue, à l’inverse, comme un outil - une proposition - laissée à la disposition de cette humanité déboussolée à la recherche d’un gouvernail pour imaginer des futurs souhaitables.
Dans un texte commun Mireille Delmas-Marty et Antonio Benincà, expliquent le subtil équilibre de cette Boussole :
Si Mireille Delmas-Marty est parisienne, ou chinoise et, pour reprendre les mots que lui adressait Edgar Morin, une « grande et belle conscience » – pourrions-nous ajouter « mondiale » – elle est aussi forézienne. Forézienne d’adoption car elle découvre cette région de la Loire grâce à un lieu tout à fait unique, le Château de Goutelas.
Une dizaine d’années auparavant, Paul Bouchet, originaire du Forez et sensible à « la poésie des ruines » du « cher et triste Goutelas »28 se promet d’en « faire quelque chose »29. Animé par la flamboyance que lui reconnaissent ceux qui l’ont côtoyé, il parvient à relever le défi impensable de mettre en œuvre l’« amalgame entre utopie intellectuelle, réalisme paysan, et ingéniosité ouvrière »30 pour faire renaître ce lieu qui devient par la suite un Centre culturel de rencontres tourné vers l’humanisme, le droit et la création artistique.
C’est ainsi que Mireille Delmas-Marty, invitée à Goutelas au début des années 1980 à l’initiative de Robert Guillaumond et à l’occasion d’un colloque consacré à la critique du projet de loi « Sécurité – Liberté », fait la double rencontre de Paul Bouchet, qui deviendra son époux en 2004, et du Château de Goutelas dont l’humanisme et le projet lui donnent l’envie de s’y impliquer considérablement par la suite.
De sa campagne forézienne, tel le petit souffle31, elle imagine ainsi pour Goutelas une bibliothèque des humanismes juridiques où elle fait déposer son épée d’académicienne, conçue par Jean-Michel Ghinsberg et réalisée le maître joallier Philippe Tournaire, puis lance en 2021 un premier programme de résidences juridiques, Les résidences Adamas et expose enfin avec Antonio Benincà le prototype de la Boussole des possibles, de 2021 à 2023 sur les terrasses du château.
Mireille Delmas-Marty s’éteint le 12 février 2022, à l’âge de 80 ans, à Saint-Germain-Laval (Forez).
De nombreux hommages lui sont rendus aux quatre coins du monde, dont celui de Geneviève Giudicelli-Delage :
Son héritage est notre responsabilité collective : celle d’utiliser les outils qu’elle a su forger, qu’ils soient concepts, méthodes ou objet-manifeste. Ils se retrouvent désormais entre les mains des personnes de bonne volonté qui voudront bien mettre en œuvre les forces imaginantes du droit, penser le droit qui n’existe pas encore, et surtout refuser la déshumanisation et les récits qu’elle génère, responsabiliser les acteurs globaux et enfin anticiper les risques à venir pour tenter d’imaginer des futurs possibles et souhaitables pour l’humanité.
Afin de poursuivre ce cheminement, Mireille Delmas-Marty imagine à la fin de sa vie, Second Souffle. Ce fonds de dotation a pour mission de prolonger son œuvre, sous toutes ses formes, par le soutien d’évènements et de structures qui diffusent sa pensée – en témoigne le présent site internet ou encore la réalisation et l’exposition de la Boussole des possibles.
Note générale : Les notes de bas de pages ont été retirées des citations. Vous pourrez trouver l’ensemble de la bibliographie utilisée ci-dessous.
Pour citer ce texte : Portanguen, Antoine. « Mireille Delmas-Marty. Biographie ». La Boussole des possibles, 2025. https://laboussoledespossibles.fr/mireille-delmas-marty/.
- Un grand nombre de citations utilisées dans cette biographie provient des excellents numéros de la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé qui ont rendu hommage à Mireille Delmas-Marty en 2022 et 2023 et dont vous retrouverez les références au cours du texte.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "Mireille Delmas-Marty : (10 mai 1941 – 12 février 2022)", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 1 (20 avril 2022) : 1‑4, source.
- Ibid.
- Fronza, Emanuela. "Mireille Delmas-Marty, plus qu’une juriste, une visionnaire", Libération, 4 novembre 2024, source.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "Mireille Delmas-Marty".
- Delmas-Marty, Mireille. Une rencontre avec Mireille Delmas-Marty, Académie des Sciences morales et politiques, Institut de France, 18 fevrier 2022, source.
- Idib.
- Arroyo Zapatero, Luis. "Ce qui ne meurt pas ne vit pas. Mireille Delmas-Marty, elle, vit", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 2 (20 juillet 2022) : 223–27, source.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "Lire Mireille Delmas-Marty. Avant-propos", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 3 (18 octobre 2022) : 497–502, source.
- "Débats - Un entretien avec Mireille Delmas-Marty « L’Europe devient un laboratoire du pluralisme juridique »", 25 mai 1993, source.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "L’émergence d’un droit pénal commun. Avant-propos", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 4 (2022) : 727‑33, source.
- Ibid.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "La recomposition du champ juridique. Avant-propos", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 1 (2023) : 3‑10, source.
- Jianping, Lu. "MDM chinoise ou les Complexes chinois de Mireille", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 2 (2022) : 253‑62, source.
- Ibid.
- Delmas-Marty, Mireille et Will, Pierre-Etienne. La Chine et la démocratie (Paris : Fayard, 2007).
- Zapatero, Luis Arroyo. "Ce qui ne meurt pas ne vit pas. Mireille Delmas-Marty, elle, vit".
- Martin-Chenut, Kathia. "Résister, responsabiliser, anticiper : un programme esquissé par Mireille Delmas-Marty pour humaniser la mondialisation", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 1 (2023) : 29‑42, source.
- Perruso, Camila. "Pour un nouvel humanisme juridique - Notes à propos de Sortir du pot au noir. L’humanisme juridique comme boussole", Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, N° 1 (2023) : 43‑52, source.
- Delmas-Marty, Mireille. "Conclusion. La trilogie savoir/vouloir/pouvoir", in La Couleur des idées, vol. La Refondation des pouvoirs. Les Forces imaginantes du droit, 3 (Le Seuil, 2009), 253‑79, source.
- Paul Bouchet (1924-2019) a été notamment avocat, bâtonnier de l’ordre des avocats de Lyon, conseiller d’État, présidant la commission nationale consultative des droits de l'homme et président d’ATD Quart Monde.
- Delmas-Marty, Mireille. "Savoirs, vouloirs et pouvoirs". Revue Quart Monde, N° 210 | 2009/2 La crise, entre abîme et renaissance (mai 2009). source.
- Delmas-Marty, Mireille. "Une boussole des possibles : Gouvernance mondiale et humanismes juridiques", in Une boussole des possibles. Gouvernance mondiale et humanismes juridiques : Leçon de clôture prononcée le 11 mai 2011, Leçons de clôture (Paris : Collège de France, 2020), 6‑80, source.
- BNF, World policy conference (CV de 2013), Gazette du Palais, Collège de France (CV de 2010 et 2017), Association internationale de Droit pénal, Observatoire Panthéon-Sorbonne, Nominations au Journal officiel de la République française.
- "Mireille Delmas-Marty : « Maria Helena Vieira da Silva disait qu’elle peignait ce qui n’existait pas comme si ça existait »", France Culture, L’Idée culture, 16 juin 2018, source.
- Giudicelli-Delage, Geneviève. "Mireille Delmas-Marty", article de revue droit.cairn.info, source.
- Delmas-Marty, Mireille et Benincà, Antonio. "Un « objet-manifeste » : la Boussole des possibles".
- Château du Moyen-Âge situé à Marcoux dans la Loire, devenu une demeure Renaissance au XVIème siècle et qui demeura en ruine entre le début du siècle et 1960, moment où Paul Bouchet se lance dans sa reconstruction.
- "Forez : L’aventure de Goutelas. Un entretien avec Paul Bouchet", L’Express-Rhône-Alpes, 1972.
- Bouchet, Paul. Mes sept utopies, Les éditions de l’atelier, 2010, source.
- Glissant, Édouard. Écrit dans La Cohée Du Lamentin. Poétique V, Gallimard, 2005 : "le petit souffle de campagne, tout innommé qui apprenait le monde en écoutant ses frères immenses".
- Giudicelli-Delage, Geneviève. Article de revue droit.cairn.info, source.